Sunday, April 3, 2016

Lu : Hiroshige, par Adèle Schlombs


Hiroshige (1797-1858) est avec Hokusai l'un des peintres majeurs de l'époque Edo du Japon, époque d'explosion citadine et bourgeoise. La bourgeoisie des marchands et des artisans, méprisée par la culture confucéenne de l'époque, se développe et obtient un pouvoir de facto lié à sa prospérité. Elle réclame une culture propre, loin des idéaux de la caste samouraï ou des thèmes religieux. L'ukiyo-e est cette expression : sujets frivoles, activités quotidiennes, beauté du monde tel qu'il est, réalité plutôt qu'idéal, etc.

Influencés par les techniques artistiques européennes et par leur liberté de thème, des auteurs comme Hokusai ou Hiroshige illustrent le monde tel qu'il est, et créent de grandes séries d'estampes, qui s'arrachent comme des petits pains. Elles décrivent le petit peuple, les paysages, les traditions, les discussions et les accidents du quotidien, les animaux. A leur tour, ces auteurs influencent profondément les peintres européens. Manet, Lautrec ou Van Gogh sont autant d'admirateurs des estampes japonaises. La série des "japonaiseries" de Van Gogh, par exemple, n'est qu'une réinterprétation systématique d'estampes d'Hiroshige.

Hiroshige, comme Hokusai, place souvent des symboles et des messages cachés dans ses œuvres, à bon entendeur. A l'inverse d'Hokusai, cependant, il ne porte pas un jugement sur son sujet d'étude et se borne à le décrire. Le message caché est ainsi une clé d'interprétation du fait, de la situation, mais jamais de l'opinion que s'en crée l'auteur. Une certaine objectivité, donc, un œil de caméra complice, mais qui ne cherche pas à manipuler, seulement à donner à voir, ce qui était particulièrement novateur dans la culture de l'époque, où les œuvres avaient deux vocations principales : flatter le commanditaire d'une part et rappeler les gens à leur devoir social/religieux d'autre part.

Une approche qui me paraîtrait particulièrement souhaitable aujourd'hui...