Sunday, November 3, 2024

Lu : Le château de Hurle, Diana Wynne Jones

Lu : Le château de Hurle, Diana Wynne Jones

Première publication en anglais en 1986, traduit en français en 2004, re-publié en 2020 dans la collection ci-dessous, avec d'autres textes ayant inspiré Miyazaki.

En un mot : la jeune Sophie travaille dans une boutique de chapeaux, elle rencontre par hasard le magicien Hurle, ce qui lui vaut l'inimitié de la Sorcière des Landes qui lui jette une malédiction, la transformant en très vieille femme. Sophie ainsi défigurée s'enfuit de sa ville et de toute sa vie passée, et trouve refuge dans le château ambulant du magicien Hurle. Elle essaye ensuite de trouver les moyens de lever sa malédiction et de démêler les secrets de ce magicien très capricieux.

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Le château de Hurle a été mis en scène sous le nom de Château ambulant. L'ennui de lire le texte original après avoir vu le film (tout comme l'inverse), c'est que l'on s'est créé des attentes. Grosse déception en perspective. Le château de Hurle est un roman très inventif et propice aux interprétations poétiques mais c'est aussi une présentation enfantine, un style d'écriture orienté pour un lectorat d'adolescentes (insistance sur les pensées du personnage, ses émotions, sa lecture des émotions des autres personnages, etc.) et une histoire assez pauvre dont le sel est -au final- l'histoire particulière de chacune des trois sœurs (dont Sophie).

Certains chapitres traînent en longueur, reposant uniquement sur l'interaction entre Sophie et le magicien. Elle découvre peu à peu, s'imagine des explications, cherche à les valider, essaye de tirer les vers du nez de Hurle, etc.

J'espérais une histoire plus riche, un monde plus vaste et des perspectives plus ouvertes par rapport au film. C'est l'inverse. Il fallait le génie de Miyazaki pour illustrer et captiver par cette histoire. Je pense qu'il fallait même le génie de Miyazaki pour lire ce livre et se dire qu'il était possible d'en faire une belle histoire. Le livre n'avait d'ailleurs pas retenu l'attention des éditeurs français, vu qu'il n'a été traduit qu'à l'occasion de la sortie du film en 2004.



Monday, March 18, 2024

Lu: Démystifier le vivant, Annabelle Kremer-Lecointre et Guillaume Lecointre, 2023

Lu: Démystifier le vivant, Annabelle Kremer-Lecointre et Guillaume Lecointre, 2023



Recueil de 36 métaphores telles qu'on les entend dans les journaux, les médias en ligne, les discours politiques, sans compter les sermons des vendeurs de superstitions à la dernière mode. Chacune de ces métaphores est méthodiquement démontée à l'aune de la biologie actuelle. Les auteurs proposent en fin de chapitre une nouvelle version de la métaphore, plus correcte, voire la suppression complète de la métaphore pour les plus fausses d'entre elles.

On est ici dans les sciences naturelles, l'observation, l'expérience, la déduction et le refus des compromis. Au fil des chapitres, on chasse ainsi le gradisme, l'anthropocentrisme, l'essentialisme ou encore les téléologismes régulièrement nichés dans la façon dont la biologie nous est, hélas, présentée chaque jour. Au-delà de cet exercice de rigueur scientifique et des notions d'épistémologie distillées tout au long des pages, on est aussi nourri de précisions biologiques sourcées, qui donnent au néophyte que je suis une mise-à-jour bienvenue de savoirs bien minces quant à ces sujets fondamentaux.

Ce qui n'enlève rien au plaisir de la lecture, l'ouvrage est rythmé par des dessins humoristiques pertinemment choisis pour illustrer les idées de chaque chapitre. Au total, un très bel effort que je recommande à tous ceux qui n'ont pas baissé les bras devant le choix des idées et des mots. Le livre est d'ailleurs proposé au prix scientifique de l'Académie Littéraire Bretagne et Pays de la Loire.

Présentation du livre sur le site de l'Association Française pour l’Information Scientifique: https://www.afis.org/Demystifier-le-vivant?fbclid=IwAR2rO55SFZTl_1Df_x1qFPkLKweUlNqAvzweujcsBKWY2jjv59vADOtpsgY


Wednesday, November 22, 2023

Point lecture 22 nov 2023

 Lectures récentes :

- L'école à deux vitesses, Jean-Paul Brighelli

- Faites-les lire ! Michel Desmurget

- K-Pax, Gene Brewer

- The Book of Lost Tales, tome 2, JRR Tolkien

- Dictionnaire des mots haïssables, Samuel Piquet

Tuesday, September 26, 2023

Point sur des lectures récentes 26 sept 2023

Lu : La liberté dans l'éducation, André Berge, 2e édition 1961

Ouvrage simple et direct s'adressant aux parents et leur expliquant le sens de la liberté pour l'enfant, son acquisition, et aussi son usage en tant que moyen dans l'éducation. Passage bref par Montessori, montrée en tant que praticienne plutôt qu'en tant que théoricienne. Beaucoup de choses qui paraissent évidentes (voire un peu trop évidentes) aujourd'hui, mais qu'il faisait sens de vulgariser en 1961.



Lu : Measure What Matters, John Doerr, 2017

A travers l'histoire de Google, puis d'une suite d'exemples où ils ont été mis en oeuvre, les OKR sont expliqués et illustrés par l'auteur, avec une foule de conseils et de contre-exemples. Les OKR (Objective and Key Results) sont une façon pour une entreprise de structurer et amplifier l'exécution de sa stratégie, de la direction jusqu'à l'exécutant le plus éloigné. Comme de nombreux ouvrages de management américains, celui-ci allonge les pages et ne manque pas de superlatifs pompeux pour des idées somme toute bien simples.


Relu : L'ami retrouvé, Fred Uhlman, 1971

Est-il besoin de le présenter ?


Lu : Confessions d'un jeune romancier, Umberto Eco, 2011

Umberto Eco, bien des années après son Apostille au Nom de la rose, raconte ses expériences d'auteur, qui sont autant de conseils pratiques pour d'éventuels écrivains. En particulier, les thèmes abordés sont la construction d'un thème et d'un scénario, la liberté pour le lecteur d'interpréter le texte et ce que cela implique pour l'auteur, les personnages de fiction, et l'usage des listes (énumérations) dans l'écriture. Comme d'habitude, cet érudit fumiste émaille son texte d'opinions personnelles et de remarques sarcastiques sur l'histoire de la littérature.


Lu : Science économique et méthodologie autrichienne, Hans-Hermann Hoppe, trois textes de 1987 et 1993 traduits par Stéphane Geyres (bravo et merci !)

Hoppe revient sur la praxéologie de Mises pour en expliquer les fondements épistémologiques, notamment le fameux axiome de l'action intentionnelle, selon lequel toute action a pour origine une intention de son auteur. En découle une approche de la science économique et, plus largement, de toutes les sciences humaines radicalement opposée aux approches macro-économiques qui abondent dans les discours économiques et politiques. On trouve ici une réfutation complète, et il me semble exacte, de l'empirisme dans les sciences humaines.


Lu : La structure de l'histoire, Philippe Fabry, 2e édition 2021

Gardons le meilleur pour la fin, Philippe Fabry développe une nouvelle approche de l'histoire, fondée sur la mise en évidence de phénomènes qui se reproduisent dans des sociétés diverses, les amenant d'un pouvoir royal naissant à une démocratie à l'occidentale. Fabry tente de faire de l'histoire une science qui étudie des phénomènes reproductibles au lieu de phénomènes sui generis. L'essai est concluant, avec comparaison détaillée d'évènements entre les sociétés concernées et chronologies précises.


Lu : La France contre les robots, Georges Bernanos, 1947

Ébahi je suis, ébahi je reste, par la vision prophétique de Bernanos dès 1947! L'écrivain démonte les ressorts de la guerre qui se termine et des confrontations à venir (notamment guerre froide), exhibe les ressemblances entre le système américain et le système soviétique, les renvoyant dos à dos comme deux systèmes de domination broyant les hommes au plus profond. Il annonce aussi la société de la communication abrutissante, la société de la consommation épuisante, la société de la technologie subie plus que maîtrisée. Plus que tout, il met en lumière un mouvement progressif des sociétés, partant de sociétés d'hommes inter-dépendants à des sociétés d'hommes dits libres mais en vérité annihilés, nus et égaux devant des Etats-Nations ou des Etats-Providences élevés en veaux d'or mais devenus des machines, n'émanant plus d'une quelconque volonté humaine. Si je devais résumer en une phrase, je dirais qu'il dénonce la religion du progrès comme contraire au peuple français dans sa nature. Il s'agit d'une lecture plus qu'utile à l'heure où l'on nous parle d'intelligence artificielle à tout coin de paragraphe.

Saturday, June 10, 2023

Lu : Le président absolu, la Ve République contre la démocratie, de Philippe Fabry, 2022


Eh oui, quand on a lu Vermes, Teulé et St-Ex, il faut aller crescendo et libre Fabry. En quelques pages, il explique comment notre République s'éloigne de plus en plus de la démocratie de représentation et de toute autre forme de démocratie, comment l'élection au suffrage universel direct et la pratique du référendum nous rapprochent de plus en plus d'un absolutisme soutenu par plébiscite, comment -contrairement peut-être aux préjugés- ça n'a rien d'un phénomène général et que la France passe pour une exception dans les démocraties occidentales, même par comparaison aux Etats-Unis. Aucun Président de la République au monde ne rassemble autant de pouvoirs que celui de la République française.

Il explique aussi que les institutions prévues par les textes ne sont pas tout et que c'est, exemples historiques à l'appui, toujours la pratique politique qui finit par avoir le dernier mot face aux textes. Au final, Fabry suggère d'éviter l'enlisement et la destruction finale des restes de notre culture démocratique grâce à un coup d'état parlementaire : les parlementaires doivent instituer, de gré ou de force, une nouvelle répartition des pouvoirs qui supprimera le rôle central du Président de la République.

Lu : Azincourt par temps de pluie, 2022, de Jean Teulé



Je ne connaissais Jean Teulé que de nom et d'avoir effeuillé quelques BD en rayonnage à la librairie Bulle au Mans. Il s'agit ici d'un court roman racontant au plus près la bataille d'Azincourt, 1415. En bref, des Français en large supériorité numérique, bien équipés et ravitaillés, sûrs de leur victoire et en face, des Anglais déprimés, résignés à la défaite, affamés et pour beaucoup malades. Orgueil, certitudes, impréparation militaire, mauvais commandement font que les Anglais l'emportèrent quand même et infligèrent à la France l'une des plus cuisantes défaites de la guerre de cent ans, qui ne fut pas pauvre en défaites.

C'est un roman graphique. Un roman sur base historique, mais pas un roman érudit. Il ne vise pas non plus à la parfaite exactitude historique quoiqu'il soit bien renseigné : certains détails proviennent de l'imagination de l'auteur. Je parle de roman graphique car on pourrait s'imaginer dans un de ces films à forte ambiance à la Tarantino ou une de ces BD du même acabit comme celles de Frank Miller. On donne à voir, aussi près de l'action que possible, comme si l'on y était, témoin invisible mais aux premières loges. 

On parcourt ainsi alternativement les deux camps, avant la bataille, pendant la bataille et après la bataille, et rien n'est oublié du grandiose, du pathétique et du dérisoire. La dureté, les moments de relâche, la peur qui change de camp. Les bruits, les odeurs, les paroles échangées.

Il faudrait une adaptation graphique, cinéma ou BD 🙂

Lu : Le Petit Prince

Il faut bien une première fois ! Je ne crois pas du tout que ce soit un livre pour les enfants. Ou peut-être un livre à lire avec ses enfants. Les ficelles de l'écriture sont connues alors je ne vais pas m'étendre. L'auteur désarme nos réflexes argumentaires en situant l'action dans des planètes dont on sait qu'elles ne peuvent exister, désarmant ainsi notre besoin de réalisme, on se situe dès lors dans l'imaginaire accepté (merveilleux) propice aux vérités simples. De plus, il fait parler des animaux et des personnages caricaturaux, très distants de nous, limitant notre identification aux personnages aux seuls éléments qui nous sont directement donnés par l'auteur et diminuant ainsi notre empathie. Pour finir, il fait parler un enfant qui, lui, maximise notre empathie et notre identification. Ficelles mille fois réutilisées depuis mais jamais aussi brillamment je crois.



Wednesday, June 7, 2023

Lu : Il est de retour, de Timur Vermes. Roman, 390 pages.

Hitler revient à la vie (on ne sait pas pourquoi) un beau jour d'été 2011, dans un terrain vague de Berlin, près du lieu où se trouvait son ancien bunker. Il n'a pas de souvenirs de son suicide, et croit être en 1945, avec les Russes sur le point d'envahir Berlin. Il cherche son bunker, ses ministres, ses soldats... Mais non, nous sommes bien en 2011 et Hitler cherche à comprendre pourquoi -- non, il ne cherche pas comprendre pourquoi il est là, il cherche à comprendre ce qu'il doit faire pour aider son pays, la race germanique, déjouer les complots juifs, etc. Il est rapidement aidé par des gens qui le prennent pour un comique imitant Hitler, puis obtient d'écrire des articles, d'être invité à une émission de radio, de monter un site web, etc. Il propage toujours ses idées, très ouvertement, sans la moindre honte, sans le moindre compromis, sans la moindre reculade, mais elles sont prises par beaucoup pour des plaisanteries dénonçant indirectement l'état du pays.

Je ne raconte que le début, car c'est très drôle, si on aime l'humour allemand qui traîne dans la longueur, avec une certaine lourdeur, qu'il faut apprécier comme une forêt-noire, pas trop à la fois. (Je ne peux m'empêcher de penser à Süskind mais je ne suis pas expert en littérature allemande.) Je le recommande franchement. Je précise qu'il n'y a aucun rapport entre ce livre et les histoires de science-fiction ou d'horreur mettant en scène le retour des nazis. D'ailleurs, Hitler est le seul nazi tout au long de l'histoire.


En fait, il s'agit d'une satire de la société allemande, vue par les yeux d'Hitler qui sont des verres polarisants. Si Hitler s'étonne de quelque chose, cela rappelle que cette chose n'a pas toujours été. Si Hitler dénonce ou s'enthousiasme de quelque chose, est-on de l'avis contraire (pourquoi ?) ou du même avis (pourquoi ?) On entend déjà les cris d'orfraies si la chose arrivait réellement : "Vous êtes du même avis qu'Hitler ? Comment osez-vous ?" Et on se pose ces questions tout au long du livre, au fur et à mesure des découvertes d'Hitler confronté à l'Allemagne moderne. Tout y passe : la monnaie européenne, la paix avec les Français, le métissage, les Turcs immigrés, le niveau scolaire, l'état de l'armée, l'opposition entre Etats-Unis et Russie, la presse, l'informatique, le web, wikipedia, la politique, les nationalistes... Il passe tout au crible et prend note afin d'élaborer son programme politique. Et on l'accompagne dans ses jugements de valeur qui permettent d'interroger les nôtres.

Saturday, May 20, 2023

Cette histoire de F-16 me tarabuste.

Cette histoire de F-16 me tarabuste.

Quels F-16, d'abord ? En gros, il y a 3 époques de F-16 : les années 70 avec F-16A et F-16B, les années 80 avec F-16C et F-16D, et les années... 2010! avec F-16V. Les F-16V ne sont pas encore nombreux et on peut penser que ceux des alliés qui livreront des avions à l'Ukraine ne donneront pas leurs plus récents. Il y a donc de bonnes chances que les Ukrainiens obtiennent des F-16 des années 70 ou 80, très usés, moins fiables que le dernier-né, et pas équipés des outils de détection ou de communication modernes. Ces avions sont les plus anciens vétérans de l'époque dite "de quatrième génération" et ont obtenu 49 défaites sur 50 dans des joutes amicales US/Russie, contre des avions russes de l'époque, il y a bientot 20 ans.

Ensuite pourquoi le F-16? Je pense qu'il s'agit d'une décision entièrement commerciale. Le F-16V peine à se vendre face à des avions beaucoup plus modernes américains, européens, français ou même chinois. Mais il dispose d'avantages logistiques indéniables : peu coûteux, mono-pilote, et avec des pilotes déjà entraînés car le F-16V diffère peu des précédents pour le pilotage. Autant d'arguments qui font bien sûr sens pour l'aide à l'Ukraine, mais...

Fin de l'année dernière, ce cher Erdogan a posé un ultimatum aux USA, des F-16V pour la Turquie contre l'acceptation de l'entrée de la Finlande dans l'OTAN. L'entrée de la Finlande est actée et, même si cela n'a pas été annoncé dès le départ, il semble bien que les USA aient accepté la fourniture de F-16V à la Turquie. S'ensuit que les autres puissances régionales ont tout intérêt à mettre à jour leurs flottes aériennes s'ils veulent rester dans la course face à la Turquie. Surtout face à un Erdogan jugé peu fiable. Eux aussi voient les avantages pratiques du F-16V. Les commandes de F-16V ont commencé et vont continuer à pleuvoir de la part des puissances intermédiaires.

Par ailleurs, la livraison de vieux F-16 à l'Ukraine constitue un argument de poids à opposer aux éventuels détracteurs locaux, lors du renouvellement des budgets des armées. On achète des F-16V pour tenir tête aux Turcs en politique extérieure, et on annonce aux contribuables que c'est pour remplacer les "F-16" (mais A, B, C ou D, qui s'en préoccupe ?) que l'on a bénévolement fournis à l'Ukraine.