Je suis assez affligé des commentaires qu'on peut lire çà et là sur ce trait (130 pages) d'Augustin d'Humières, alors je prends mon mal en patience pour en fournir un commentaire aussi complet et factuel que possible.
Ce qu'énonce ce livre
Par l'œil de son narrateur essentiellement égal à lui-même, l'auteur nous livre ses observations, ses pensées sur l'école et ses problèmes. Il s'agit de constatations, illustrées par des exemples crédibles, mais pas d'un enchaînement de raisonnements structurés. Il est donc difficile de donner autre chose que des bullet points pour les résumer.
- Les indicateurs d'échec de l'EdNat se multiplient mais personne ne réagit.
- Chacun avance à son poste comme un petit soldat, s'occupe de sa propre promotion et, au mieux, de bien tenir son poste.
- Les élèves sont devenus méfiants par rapport à l'institution, les professeurs sont souvent obligés de se justifier auprès des élèves-mêmes (sans parler des parents ou autres parties prenantes).
- Le programme saupoudre, se contente de superficialités déconnectées les unes des autres, et récompense les élèves qui arrivent à donner l'illusion avec ces quelques bribes, s'ils respectent les codes et conventions des différents exercices. Le cours fidèle au programme n'apprend pas plus qu'une divagation sur Wikipédia, et souvent moins.
- La nullité de l'apprentissage rend encore plus criantes les inégalités. Elles n'ont plus de contrepoids, plus d'échappatoire. Sans famille, un élève n'apprend rien à l'école, et stagne en s'ennuyant pendant les longues années de cours.
- Les épreuves du bac sont des farces, l'oral est un sommet d'hypocrisie. Les candidats n'ont pour beaucoup aucune culture générale, pas même autour du contenu du cours, savent à peine ce que signifient les mots qu'on leur a demandé d'apprendre par cœur.
- Les oraux de recrutement des profs sont du même niveau d'hypocrisise que ceux du bac. Juste avec un vocabulaire et des codes plus évolués.
- Les candidats au sacerdoce qui risqueraient de remettre en cause l'EdNat sont systématiquement éjectés par le génie de l'institution.
- Les inspecteurs de l'EdNat surfent sur l'enseignement là-même où les profs s'enfoncent, ils sont déconnectés. On leur demande de faire passer les consignes, ils jouent le rôle théâtral de comprendre et de cautionner ces consignes.
- Les conseils de classe sont des farces jugées d'avance, où l'on finit par se dire que le mieux pour l'élève en échec est qu'il quitte rapidement l'école, pour ne pas s'enfoncer davantage encore. Y rester lui nuit, alors ne le faisons pas redoubler, de grâce.
- Sciences Po n'est pas une grande école, mais une prépa pour grandes écoles, et ceux qui y arrivent en provenance de milieux défavorisés s'y cassent les dents et ne parviennent jamais jusqu'aux grandes écoles. Il ne leur manque pas la volonté ni les connaissances mais les codes pour s'intégrer.
- Les personnels dans l'école sont noyés sous les sigles, les fonctions transversales, les réformes, le turn-over, les guerres internes... ne se connaissent plus et évitent la salle des profs.
- Les élèves sont noyés sous les "projets", activités extra-scolaires, sensibilisations, sorties pédagogiques, etc. et le fait de placer des heures de cours à un rythme normal est plus l'exception que la règle.
- Les parents sont largués car, loin du cliché comme quoi les parents doivent transmettre l'éducation et l'école l'instruction, l'école d'aujourd'hui ne transmet plus non plus l'instruction. Les horizons sont bouchés, même pour les élèves qui s'investissent.
- Certains enfants s'enferment dans le communautarisme, parce qu'il leur offre des codes d'intégration plus faciles à adopter, leur trace une voie de sortie de l'école.
- Les exigences du monde moderne, en particulier avec les moyens de communication numériques à disposition, sont supérieures à celles des générations précédentes, et non inférieures. La réussite n'est pas devenue plus facile. Ceux qui réussiront seront ceux qui auront réussi à déconnecter (du réseau social, de la communauté, du monde scolaire...) et cherché à se construire eux-mêmes.
Ce que ce livre n'est pas - en opposition aux multiples commentaires absurdes trouvés sur le web
- Ce livre n'est pas une analyse. C'est un ensemble de constatations, de remarques désillusionnées, mais il n'y a pas de structure méthodique à visée de démonstration. D'ailleurs, il n'y a pas de thèse unique qui soit un fil rouge.
- Ce livre n'est pas à charge contre les professeurs. Il en dépeint certains défauts, certes, au milieu de tant d'autres choses, et il serait bien plus étonnant qu'il ne le fasse pas.
- Ce livre n'est pas mal écrit. Il raconte ce que vit le professeur et ce qu'il pense. Il n'a pas d'ambition stylistique particulière, mais se lit vite et bien.
- Ce livre aborde les thèmes éculés du numérique, des réseaux sociaux, des dotations budgétaires, mais il n'en fait pas un point central. Il se concentre sur les aspects humains et systémiques de l'institution.
- Ce livre ne donne pas de solutions, c'est vrai, mais il pointe quand même un certain nombre de scléroses qui ne pourront être éludées si l'on souhaite redonner à nos enfants une EdNat digne de ce nom.
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