Une histoire inspirée de Sodome. Le village, rongé par tous les vices, commet un acte irréparable : l'abandon d'un enfant. Le refus de l'hospitalité à l'être le plus innocent, le plus humble et le plus sans défense qui soit. Le village finit ruiné par le feu.
J'ai eu un doute quand, à la fin de la pièce, la voix off de l'enfant annonce ce qui s'est passé au village : l'incendie, avec pour seuls rescapés la femme trompée, l'idiote du village qui seule nourrit le petit et le maire-médecin qui seul tente de calmer les ardeurs de chacun et refuse les compromissions. Mon doute : l'auteure cède-t-elle au Deus Ex Machina ?
C'est un peu simple, la voix de l'innocent qui annonce ainsi le jugement de Dieu... les fautifs sont châtiés et les justes sortent du village avant le châtiment. C'est Sodome. Compris en tant que parabole biblique, alors on n'est plus surpris d'avoir un Deus à la fin de la pièce. C'est dans le thème. C'est la Bible qui cède au Deus Ex Machina ;-)
Alors, il faut se poser la question : est-il possible d'écrire une histoire sur un thème biblique sans céder au manichéisme ? Le manichéisme est trop simple. Il veut voir le monde en blanc et noir et la pièce, dès le livret distribué à l'entrée, annonce qu'elle va s'y opposer. Comment Carole Thibaut peut-elle mêler un Dieu qui distribue grâces et châtiments et réfutation du manichéisme ?
Pour y parvenir, elle consacre l'essentiel de sa pièce à l'implication mutuelle de l'ensemble des personnages, du passé et du présent de ces personnages. Toutes leurs histoires se recoupent, avec pour point central la peur du qu'en dira-t-on. Et tous en sont victimes et acteurs. Même le maire-médecin. Gauche et droite (j'ai beaucoup apprécié cette double accusation) via les figures du maçon et de sa patronne.
Il est amusant de constater que l'auteure place le politicien comme le juste. Lui seul accepte d'être victime du qu'en dira-t-on mais refuse d'en faire souffrir les autres.
La femme trompée suit son désir d'une vie entière, son désir d'enfant et part sans trop regarder derrière elle.
L'idiote du village, elle, n'est pas sensible au qu'en dira-t-on. Vu qu'elle a passé sa vie à s'entendre affubler de tous les noms et insulter de toutes les manières...
Pour moi, c'est une réussite. De mal en pis, les villageois affrontent la situation en pensant d'abord au qu'en dira-t-on et finissent par abandonner un bébé. Sans anicroche.
Que puis-je ajouter ?
- Le texte est édité.
- Le texte (qui a légèrement changé) est téléchargeable.
- La mise en scène est excellente et sert bien le thème. On passe sans se rendre compte que deux des acteurs tiennent chacun deux rôles. On visualise bien les lieux sans détail alourdissant.
- C'était la première fois que je voyais une pièce de théâtre moderne dont l'auteure était à la fois metteure en scène et actrice. Chapeau !
- Cette pièce est la première partie d'un triptyque qui comprendra aussi L'île, drame insulaire et Cités, tragédie urbaine. Je suis impatient.
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