Lectures récentes :
- L'école à deux vitesses, Jean-Paul Brighelli
- Faites-les lire ! Michel Desmurget
- K-Pax, Gene Brewer
- The Book of Lost Tales, tome 2, JRR Tolkien
- Dictionnaire des mots haïssables, Samuel Piquet
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Lectures récentes :
- L'école à deux vitesses, Jean-Paul Brighelli
- Faites-les lire ! Michel Desmurget
- K-Pax, Gene Brewer
- The Book of Lost Tales, tome 2, JRR Tolkien
- Dictionnaire des mots haïssables, Samuel Piquet
Lu : La liberté dans l'éducation, André Berge, 2e édition 1961
Ouvrage simple et direct s'adressant aux parents et leur expliquant le sens de la liberté pour l'enfant, son acquisition, et aussi son usage en tant que moyen dans l'éducation. Passage bref par Montessori, montrée en tant que praticienne plutôt qu'en tant que théoricienne. Beaucoup de choses qui paraissent évidentes (voire un peu trop évidentes) aujourd'hui, mais qu'il faisait sens de vulgariser en 1961.
Lu : Measure What Matters, John Doerr, 2017
A travers l'histoire de Google, puis d'une suite d'exemples où ils ont été mis en oeuvre, les OKR sont expliqués et illustrés par l'auteur, avec une foule de conseils et de contre-exemples. Les OKR (Objective and Key Results) sont une façon pour une entreprise de structurer et amplifier l'exécution de sa stratégie, de la direction jusqu'à l'exécutant le plus éloigné. Comme de nombreux ouvrages de management américains, celui-ci allonge les pages et ne manque pas de superlatifs pompeux pour des idées somme toute bien simples.
Relu : L'ami retrouvé, Fred Uhlman, 1971
Est-il besoin de le présenter ?
Lu : Confessions d'un jeune romancier, Umberto Eco, 2011
Umberto Eco, bien des années après son Apostille au Nom de la rose, raconte ses expériences d'auteur, qui sont autant de conseils pratiques pour d'éventuels écrivains. En particulier, les thèmes abordés sont la construction d'un thème et d'un scénario, la liberté pour le lecteur d'interpréter le texte et ce que cela implique pour l'auteur, les personnages de fiction, et l'usage des listes (énumérations) dans l'écriture. Comme d'habitude, cet érudit fumiste émaille son texte d'opinions personnelles et de remarques sarcastiques sur l'histoire de la littérature.
Lu : Science économique et méthodologie autrichienne, Hans-Hermann Hoppe, trois textes de 1987 et 1993 traduits par Stéphane Geyres (bravo et merci !)
Hoppe revient sur la praxéologie de Mises pour en expliquer les fondements épistémologiques, notamment le fameux axiome de l'action intentionnelle, selon lequel toute action a pour origine une intention de son auteur. En découle une approche de la science économique et, plus largement, de toutes les sciences humaines radicalement opposée aux approches macro-économiques qui abondent dans les discours économiques et politiques. On trouve ici une réfutation complète, et il me semble exacte, de l'empirisme dans les sciences humaines.
Lu : La structure de l'histoire, Philippe Fabry, 2e édition 2021
Gardons le meilleur pour la fin, Philippe Fabry développe une nouvelle approche de l'histoire, fondée sur la mise en évidence de phénomènes qui se reproduisent dans des sociétés diverses, les amenant d'un pouvoir royal naissant à une démocratie à l'occidentale. Fabry tente de faire de l'histoire une science qui étudie des phénomènes reproductibles au lieu de phénomènes sui generis. L'essai est concluant, avec comparaison détaillée d'évènements entre les sociétés concernées et chronologies précises.
Lu : La France contre les robots, Georges Bernanos, 1947
Ébahi je suis, ébahi je reste, par la vision prophétique de Bernanos dès 1947! L'écrivain démonte les ressorts de la guerre qui se termine et des confrontations à venir (notamment guerre froide), exhibe les ressemblances entre le système américain et le système soviétique, les renvoyant dos à dos comme deux systèmes de domination broyant les hommes au plus profond. Il annonce aussi la société de la communication abrutissante, la société de la consommation épuisante, la société de la technologie subie plus que maîtrisée. Plus que tout, il met en lumière un mouvement progressif des sociétés, partant de sociétés d'hommes inter-dépendants à des sociétés d'hommes dits libres mais en vérité annihilés, nus et égaux devant des Etats-Nations ou des Etats-Providences élevés en veaux d'or mais devenus des machines, n'émanant plus d'une quelconque volonté humaine. Si je devais résumer en une phrase, je dirais qu'il dénonce la religion du progrès comme contraire au peuple français dans sa nature. Il s'agit d'une lecture plus qu'utile à l'heure où l'on nous parle d'intelligence artificielle à tout coin de paragraphe.
Il faut bien une première fois ! Je ne crois pas du tout que ce soit un livre pour les enfants. Ou peut-être un livre à lire avec ses enfants. Les ficelles de l'écriture sont connues alors je ne vais pas m'étendre. L'auteur désarme nos réflexes argumentaires en situant l'action dans des planètes dont on sait qu'elles ne peuvent exister, désarmant ainsi notre besoin de réalisme, on se situe dès lors dans l'imaginaire accepté (merveilleux) propice aux vérités simples. De plus, il fait parler des animaux et des personnages caricaturaux, très distants de nous, limitant notre identification aux personnages aux seuls éléments qui nous sont directement donnés par l'auteur et diminuant ainsi notre empathie. Pour finir, il fait parler un enfant qui, lui, maximise notre empathie et notre identification. Ficelles mille fois réutilisées depuis mais jamais aussi brillamment je crois.
Hitler revient à la vie (on ne sait pas pourquoi) un beau jour d'été 2011, dans un terrain vague de Berlin, près du lieu où se trouvait son ancien bunker. Il n'a pas de souvenirs de son suicide, et croit être en 1945, avec les Russes sur le point d'envahir Berlin. Il cherche son bunker, ses ministres, ses soldats... Mais non, nous sommes bien en 2011 et Hitler cherche à comprendre pourquoi -- non, il ne cherche pas comprendre pourquoi il est là, il cherche à comprendre ce qu'il doit faire pour aider son pays, la race germanique, déjouer les complots juifs, etc. Il est rapidement aidé par des gens qui le prennent pour un comique imitant Hitler, puis obtient d'écrire des articles, d'être invité à une émission de radio, de monter un site web, etc. Il propage toujours ses idées, très ouvertement, sans la moindre honte, sans le moindre compromis, sans la moindre reculade, mais elles sont prises par beaucoup pour des plaisanteries dénonçant indirectement l'état du pays.
Je ne raconte que le début, car c'est très drôle, si on aime l'humour allemand qui traîne dans la longueur, avec une certaine lourdeur, qu'il faut apprécier comme une forêt-noire, pas trop à la fois. (Je ne peux m'empêcher de penser à Süskind mais je ne suis pas expert en littérature allemande.) Je le recommande franchement. Je précise qu'il n'y a aucun rapport entre ce livre et les histoires de science-fiction ou d'horreur mettant en scène le retour des nazis. D'ailleurs, Hitler est le seul nazi tout au long de l'histoire.
En fait, il s'agit d'une satire de la société allemande, vue par les yeux d'Hitler qui sont des verres polarisants. Si Hitler s'étonne de quelque chose, cela rappelle que cette chose n'a pas toujours été. Si Hitler dénonce ou s'enthousiasme de quelque chose, est-on de l'avis contraire (pourquoi ?) ou du même avis (pourquoi ?) On entend déjà les cris d'orfraies si la chose arrivait réellement : "Vous êtes du même avis qu'Hitler ? Comment osez-vous ?" Et on se pose ces questions tout au long du livre, au fur et à mesure des découvertes d'Hitler confronté à l'Allemagne moderne. Tout y passe : la monnaie européenne, la paix avec les Français, le métissage, les Turcs immigrés, le niveau scolaire, l'état de l'armée, l'opposition entre Etats-Unis et Russie, la presse, l'informatique, le web, wikipedia, la politique, les nationalistes... Il passe tout au crible et prend note afin d'élaborer son programme politique. Et on l'accompagne dans ses jugements de valeur qui permettent d'interroger les nôtres.
Soixante pages qui valent mieux que de longs discours. Je ne connais pas vraiment Zemmour et n'ai aucune envie de voter pour lui. Je lui sais gré d'amener un peu de moutarde dans le débat, mais la moutarde ne fait pas un plat de résistance. Je sais qu'il a longtemps été chroniqueur à la télé et qu'à l'époque beaucoup (à l'instar de Ruquier) l'utilisaient comme un animal de foire. Je n'ai jamais prêté attention à ce qu'il disait, ni à des thèses sous-jacentes à ses prises de position.
Ici, des historiens se sont regroupés pour produire (à la va-vite, avec quelques coquilles d'ailleurs) des échantillons parmi les plus significatifs des manipulations que Zemmour a faites de l'histoire de France afin de servir ses discours politiques. Chaque échantillon est alors décrypté et contredit en détail par un éclairage historique.
Zemmour tente de jouer la carte du patriotisme, en racontant un récit national bien choisi, quitte à tordre la réalité. Il faut dire qu'il a le champ libre, car les autres candidats ne brillent guère par leur amour de la nation, ni par leurs appels à l'histoire.
Je vous encourage à le lire, 3€90 dans toutes les librairies. Les échantillons abordés sont entre autres les suivants (point de vue Zemmour) :
- Clovis serait négligé par les historiens et les enseignants.
- La croisade de 1095 serait une victoire française.
- Saint-Louis aurait été un roi philosémite.
- Le Grand Ferré (héros paysan de la Guerre de Cent Ans) aurait été un patriote national, c.a.d. œuvrant pour l'idée nationale française.
- Les protestants auraient cherché et mérité leur sort à l'époque des guerres de religion.
- Les Nazis seraient les héritiers spirituels de Voltaire.
- La Révolution Française s'expliquerait tout entière par un complot de quelques élites, notamment maçonniques.
- Il y a eu un génocide vendéen par les Républicains, un "grand remplacement" des vendéens par des partisans de la république (et un autre grand remplacement s'annonce).
- Les Français auraient créé l'Algérie.
- Il resterait des doutes sur la culpabilité de Dreyfus. Une purge des anti-dreyfusards dans l'armée aurait eu lieu après l'affaire et l'impréparation de l'armée en 1914 en aurait découlé, causant beaucoup de morts évitables.
- Les fusillés de 1917 se seraient mutinés non par horreur ou lassitude de la guerre mais parce qu'ils voulaient continuer la guerre et être plus offensifs.
- Pétain 1. aurait préparé la contre-attaque française, 2. aurait tenté de sauver les Juifs de nationalité française, 3. n'aurait pas lui-même mis fin à la République, car les pleins pouvoir lui auraient en fait été confiés par le front populaire (sic !)
- Simone de Beauvoir aurait eu une admiration lubrique pour les soldats allemands.
- Le massacre du 17 octobre 1961 aurait été la répression inévitable d'une manifestation violente.
- De Gaulle aurait généreusement donné, de son plein gré, l'indépendance à l'Algérie.
...
Je n'ai pas un grand intérêt pour cette élection présidentielle mais j'ai horreur des falsifications.