Monday, June 16, 2025

Écouté : Les Liaisons dangereuses, Pierre Choderlos de Laclos, 1782

Roman épistolaire publié en 1782. "Lu" en livre audio (version intégrale).

Ce roman se présente sous forme de correspondance entre plusieurs personnages de la haute société française à la veille de la Révolution. Il met en scène deux figures emblématiques de la manipulation : la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, anciens amants cyniques qui se livrent à des jeux de pouvoir amoureux, au détriment des autres. Leur machination tourne autour de la jeune Cécile de Volanges et de la vertueuse Présidente de Tourvel, proies choisies par défi ou vengeance.

Le livre, d’une construction redoutable, dévoile peu à peu les ambitions cachées, les renversements de situation, et surtout la manière dont les mots — ici les lettres — deviennent armes de domination. La froideur calculée de Merteuil et le charme empoisonné de Valmont font de ce duo une sorte d’anti-Roméo et Juliette, obsédé non par l’amour mais par la conquête, le pouvoir, la destruction.

Ce qui m’a particulièrement frappé à l’écoute, c’est la modernité du propos : on y parle de genre, de réputation, de double discours, de contrôle de l’image, avec une lucidité implacable. Merteuil, surtout, est un personnage fascinant par sa maîtrise du langage et des apparences. Elle revendique une forme d’égalité dans la duplicité : ce que les hommes font sans scrupule, elle entend le faire en mieux — et payer le prix fort, en silence.

Concernant le fameux « féminisme » de Laclos, souvent débattu, je n’y vois pas une posture militante mais une prouesse littéraire : un coup de maître de l'auteur dans l’équilibre des rôles, peignant victimes et bourreaux tant parmi les hommes que les femmes. L’auteur se garde bien de formuler des conclusions ou de donner des leçons de morale. C’est d’ailleurs ce qui a fait scandale à l’époque : l’œuvre laisse le lecteur libre d’interpréter, et peut être instrumentalisée aussi bien comme mise en garde que comme manuel cynique. Son essai ultérieur De l’éducation des femmes ressemble davantage à une tentative de justification post-publication qu’à une clé de lecture de son roman.

Enfin, j’ai repensé au film Sexe Intentions (original: Cruel Intentions, 1999), adaptation libre et moderne du roman. Le film prend une tournure plus morale, en insistant sur un basculement de Valmont, qui découvre qu’il aime sincèrement la « Tourvel » contemporaine et tente de rattraper ses inconduites. Cela n’existe pas dans le roman : Laclos avait certes envisagé une lettre finale de Valmont, exprimant ses sentiments réels, mais il a choisi de la supprimer, préférant que le lecteur doute ou imagine lui-même la vérité. Ce retrait dit beaucoup sur l’ambiguïté volontaire de l’œuvre.

Monday, March 3, 2025

Lu : Noosphère, Patrice Van Eersel

 "Noosphère : Éléments d'un grand récit pour le 21e siècle" de Patrice Van Eersel explore la notion de noosphère, concept introduit dans les années 1920 par le Français Pierre Teilhard de Chardin et le Russe Vladimir Vernadski, désignant la conscience collective planétaire, ce tout dépassant la somme des parties.




Le récit s'articule autour d'un dialogue entre l'auteur/narrateur/personnage et Sacha, un jeune homme de trente ans désabusé par les crises actuelles : réchauffement climatique, perte de biodiversité, pollution généralisée et pandémie mondiale. Face à ce pessimisme, le narrateur propose une perspective historique et philosophique, s'appuyant sur le concept de noosphère pour envisager une évolution positive de l'humanité. Il retrace l'émergence de la noosphère comme étape cruciale de l'évolution, succédant à la biosphère, et souligne le rôle de la conscience humaine dans cette transformation. Il invite ainsi à repenser notre rapport au monde et à envisager des solutions collectives aux défis contemporains. 


J'ai trouvé amusant que les deux chercheurs (principaux) évoqués au long de l'ouvrage soient en fait fort opposés sur le plan théorique. Teilhard est un religieux qui considère l'esprit comme une propriété émergente de la matière, tandis que Vernadski est un scientifique pur jus qui, lui, considère que la matière ne suffit pas à expliquer le monde spirituel. Ils sont de facto aux antipodes, mais se rejoignent dans leur tentative de décrypter le monde, et dans cette perspective d'évolution vers un monde meilleur.

Read: Not the End of the World, by Hannah Ritchie

 "Not the End of the World" by Hannah Ritchie provides a data-driven, non-partisan analysis of our environmental challenges, offering a balanced perspective on the current state and future possibilities. Ritchie, a data scientist, emphasizes that while significant environmental issues persist, substantial progress has been made, and effective solutions are within reach.



Key Points:

Historical Context: The book underscores that the world has never been entirely sustainable, but improvements are evident in various areas. For instance, we've surpassed peaks in population growth, air pollution, per capita carbon emissions, and deforestation rates. 

Technological Advancements: Ritchie highlights how technological innovations have decoupled comfortable living from environmental harm. Clean energy has become more affordable, crop yields have increased, and alternatives to meat and dairy are more accessible. 

Successful Environmental Actions: The book points to past successes, such as addressing acid rain, repairing the ozone layer, and reviving endangered species, illustrating our capacity for effective environmental action. 

Impact of Doomsday Narratives: Ritchie argues that overly pessimistic messages can be counterproductive, leading to public paralysis rather than motivation. She advocates for cautious optimism, suggesting that while challenges remain, we have the tools to approach the 2°C climate target, even if surpassing 1.5°C is likely. 

Path Forward: The author calls for a focus on impactful actions over symbolic gestures, emphasizing the importance of systemic changes to achieve sustainability. 

Friday, January 3, 2025

Lu : Samouraï, de Fabrice Caro

Lu : Samouraï, de Fabrice Caro (alias Fabcaro)

Premier roman que je lis de cet auteur, que je connaissais pour ses BD. Situation de départ : Alan, auteur hésitant, a vu son dernier roman faire un flop complet, sa fiancée le quitter et son meilleur ami se suicider.

Il décide de se relancer, et d’écrire un grand roman, une œuvre puissante sur les immigrés espagnols en France. Pour ce faire, il dispose d’un été devant une confortable piscine prêtée par des voisins et d’une discipline de fer, celle d’un véritable samouraï moderne.

La suite raconte avec un humour humain mais désabusé, à la première personne, ses revirements, ses essais, ses échecs, avec les tragicomiques tentatives de ses amis de lui présenter des jeunes femmes célibataires pour, là aussi, le relancer.

-- --

Comme dans Zaï, zaï, zaï, zaï, tout est dans le ton, dans le sarcasme et l’autodérision, dans le contraste entre les aspirations éthérées du romancier qui se veut créateur et la lourdeur de la réalité commune.

Une lecture rythmée qui m’a tiré environ un éclat de rire par page, et un fou rire par chapitre.