Publié en 1930 aux éditions Grasset. Livre audio présenté par Claude Santelli et lu par Henri Tisot, avec un bel accent du sud qui donne encore plus de chair au texte. (Troisième volet de la Trilogie de Pan, après Colline et Un de Baumugnes, dont je ne parlerai pas parce que je ne les ai pas lus.)
Regain raconte la résurrection d’un village mourant, Aubignane, niché dans les collines de Haute-Provence. Il n’y reste qu’un homme, Panturle, vivant seul dans un monde déserté, figé dans le silence et l’attente. L’arrivée d’Arsule, une femme sans attache qu’il croise par hasard, va tout faire basculer — sans éclat, sans déclaration, dans un retour discret mais profond à la vie.
Ce qui m’a frappé, c’est à quel point les personnages parlent peu. Les mots sont rares, justes, essentiels. Il n’y a pas de dialogue explicatif, pas de discours amoureux : les corps, les gestes, les regards disent tout. Ils apprennent à vivre ensemble sans s’expliquer, en partageant le travail, le silence, le feu, la soupe. Et c’est précisément cette économie de paroles qui donne au roman sa force : quelque chose renaît, sans avoir qu'il soit besoin de le nommer.
La renaissance ne se produit pas d’un coup, mais par un effet boule de neige. Tout repart d’un détail : rallumer le feu, faire du pain, creuser la terre, redresser une porte. La maison reprend vie, puis le jardin, puis les alentours. Et cette énergie gagne peu à peu tout le village, jusqu’à attirer de nouveaux habitants. Ce n’est pas une métaphore grandiloquente, c’est un mouvement organique, contagieux, inarrêtable, qui passe par les objets, les gestes, les saisons.
J’ai été touché par cette façon qu’a Giono de ne pas forcer le trait : il n’y a pas de miracle, pas de slogans, juste une lente remontée vers la lumière, un printemps après un hiver trop long. Le style suit ce mouvement : ample, charnel, mais sans emphase. Ce n’est pas un roman qui dit « il faut revenir à la terre » ; c’est un texte qui montre ce que cela fait quand la terre reprend ses droits.
Il me semble réducteur de lire Regain comme un manifeste ou une fable écologique. Bien sûr, il y a un amour profond de la nature, du rythme des saisons, mais ce qui domine, c’est la beauté d’un récit muet, où la vie revient sans fanfare, presque malgré elle. Une forme d’accord retrouvé entre l’homme, la femme et la terre — et cela suffit.
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