Sunday, February 24, 2013

Remarque sur les farines animales

Je suis tout prêt à entendre que je me trompe mais je préfère vous livrer mon point de vue sur la question des farines animales.
Pour moi, la distinction entre "herbivore" et "carnivore" n'est pas un élément naturel mais un élément culturel. C'est une classification empiriste et non une "loi". Et la distinction absolutiste entre "herbivore" et "carnivore" n'est pas une affaire scientifique mais une affaire de pédagogie d'école primaire, un reste de notre petite enfance.

D'un point de vue scientifique :
1°/ Je vous mets au défi de trouver une règle ou une définition de "herbivore" qui englobe toute la classification "herbivore" et rien qu'elle. *
2°/ Les différences apparentes à l'échelle humaine sont beaucoup moins flagrantes à l'échelle cellulaire. Protéines, lipides, glucides, fibres... le monde animal et le monde végétal se ressemblent.
3°/ Quand on regarde de près, la plupart des animaux sont omnivores et choisissent leur alimentation en fonction de leurs besoins et, bien sûr, des disponibilités. Ceci est vrai autant pour les insectes que pour les oiseaux ou les mammifères. La frontière la plus mince étant au niveau des mammifères frugivores, dont l'appareil digestif leur permet de se nourrir autant de fruits que de viande. Ils ne s'en privent pas. D'ailleurs, la plupart des singes, primates et l'homme se situent à cette frontière.

Alors, pour moi, farines animales ou farines végétales, c'est du pareil au même.
Bien sûr, on peut s'émouvoir du devenir des animaux ainsi broyés. On peut aussi se rebeller contre l'ignorance complète du public vis-à-vis des pratiques de l'industrie agro-alimentaire. On peut encore regretter le manque de documentation de notre nourriture (pour ne pas utiliser le terme galvaudé de "traçabilité"). On peut enfin de manière générale s'insurger devant l'industrialisation et la déshumanisation du monde agro-alimentaire.
Mais dire "les vaches ne mangent pas de viande donc il faut interdire les farines animales", pour moi ce n'est pas du bon sens, ni de la science, c'est de la bigoterie.

* Pour le compte, je vous mets aussi au défi de trouver une définition de "végétal" qui englobe toute la classification "végétal" et rien qu'elle.

Lu : Le visage de Dieu, d'Igor et Grichka Bogdanov

Repost de mon mur Facebook du 21 oct 2011


Deux contenus scientifiques :
1/ une récapitulation d'un grand nombre d'avancées et de théories sur les débuts de l'univers,
2/ quelques hypothèses défendues par les auteurs. Des perspectives intéressantes et valides. (Je souligne : les questions qu'ils posent me paraissent tout à fait légitimes et les perspectives de réponses qu'ils apportent me paraissent tout à fait intéressantes.)

Par contre, leurs "interprétations" et leurs métaphores me laissent complètement atterré :
1/ Des jugements sans pincettes du type "c'est ainsi" ou des blocages du type "il ne sera jamais possible de..."
2/ Des allusions permanentes à Dieu et à la Genèse là où il n'y a finalement que des théories et des observations physiques (pas étonnant que ça ait fait scandale).
3/ Une confusion permanente entre la causalité "physique" et la causalité "de volonté", sans doute à l'origine du 2/

Je regrette toutefois que la fin du bouquin, cad leurs propositions, ne soit pas plus étayée : dans l'état, le tout peut être résumé en moins d'une page et pas particulièrement argumentée. (A défaut d'observations certes difficiles dans ce domaine, ils auraient tout de même pu montrer un recoupement entre leurs propositions et d'autres éléments de théorie déjà plus "admis"...)

Bref, je reste sur ma faim. C'est vulgarisé sans être vulgarisé, ça a du contenu sans en avoir et je me demande quel était le public ciblé :-s

Tuesday, February 19, 2013

Le carnet de voyage, un genre littéraire qui a de l'avenir

Le genre littéraire du carnet de voyage est en pleine expansion et ça ne saurait s'atténuer.
Entre l'augmentation des voyages à l'échelle mondiale, l'augmentation de l'habitude de publier, liée à l'éducation et à l'arrivée de l'Internet et de ses blogs, de plus en plus de gens ont un contenu suffisamment intéressant à publier.
Et pourquoi non ? On peut par ces lectures se rapprocher autant du sujet raconté que de l'esprit de l'auteur. Car qui dit récit dit autobiographie. Et dit prises de positions. Et dit principes et valeurs qui justifient ces prises de positions. Il s'agit donc d'une rencontre de l'autre, à travers sa description d'un sujet donné.

En plus des excellentes BD de Guy Delisle, je me rends compte que j'ai lu beaucoup de carnets de voyage, ces dernières années. Toujours dans les BD, il y a Frédéric Boilet. Il est plus connu pour son histoire d'amour L'épinard de Yukiko, carnet de voyage romancé, mais a publié un vrai carnet de voyage avec l'Apprenti Japonais.

On a ensuite le carnet de photos commentées, comme avec Útsala, l'exploration du rêve islandais, de CéJi et FrEd?! Un peu plus de lyrisme, un peu moins de commentaires : on laisse les photos s'exprimer dans l'esprit du lecteur.

Toujours orienté photo mais beaucoup plus littéraire et personnel, le fameux Istanbul carnets curieux. Si vous êtes, comme moi, tombé irrémédiablement sous le charme de cette ville éternelle qu'est Istanbul, vous savez qu'en lire un carnet de voyage, avec photographies, récit et pensées au fil de l'eau, c'est comme la visiter avec un ami. Plus qu'une invitation au voyage, c'est une invitation à l'immersion.

J'ai aussi commencé Dans les forêts de Sibérie, qui a fait couler beaucoup d'encre car il a reçu un prix Médicis. Pas de photo ni de dessin, ici on vit sur le bord du lac Baïkal et on écrit.
C'est une entrée dans la Russie d'aujourd'hui. Moins lourde et romancée que la Russie des grands auteurs russes, plus honnête que celle de Jules Verne. Au point où j'en suis, une question me tarabuste, cependant, comment en arrive-t-on à connaître la Russie au point où l'auteur la connaît, tout en étant aussi Français dans ses prises de positions et ses réflexions ? Au travers sa description de la Russie, c'est la France de cet homme qui me pose question.

Lu : Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle

L'ami Guy Delisle, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, est un dessinateur québecois. Il dirige des studios de dessin à l'étranger pour le compte des grands studios occidentaux et sa femme travaille pour Médecins Sans Frontières. Ils résident donc souvent à l'étranger et Guy Delisle ramène une BD toute neuve, toute fraîche, de récit de chacun de ces voyages.

Ici, sa femme est appelée à Jérusalem par MSF :

Au menu les checkpoints, les humanitaires déprimés, les jets de chaussure à Hébron, les partis pris, le tombeau du patriarche, les colons, les quartiers, les appels à la prière...

J'aime bien Guy Delisle, car il fait un rapport honnête de ce qu'il voit et de ce qu'il en pense. Un vrai carnet de voyage, quoi ! Ce n'est ni un roman, car il n'y a pas de fil conducteur narratif, ni un essai, car il n'y a pas de thèse sous-jacente.

Du même auteur, j'avais déjà lu :

Et j'attends la suite avec impatience.

Monday, February 18, 2013

Citations de Sol LeWitt

Alors que je parcours le « beau livre » (plus qu'un simple catalogue d'exposition) publié par le Centre Pompidou de Metz suite à l'exposition consacrée à Sol LeWitt, je pense profitable d'en noter quelques citations. Je prends la liberté d'en grouper certaines.



« Les jugements illogiques mènent à une expérience nouvelle. »
« Les pensées irrationnelles devraient être suivies absolument et logiquement. »

« L'utilisation des mots tels que peinture et sculpture évoque toute une tradition et implique conséquemment une acceptation de cette tradition ; ils imposent donc des restrictions à l'artiste, lequel hésitera à fabriquer de l'art qui outrepasserait ces restrictions.»
« Quand un artiste apprend trop bien son métier, il fabrique de l'art superficiel. »

« Si des mots sont utilisés et qu'ils procèdent d'idées sur l'art, alors ils sont de l'art et non de la littérature – les nombres ne sont pas les mathématiques. »

« L'artiste ne comprend pas nécessairement son propre art. Sa perception n'est ni meilleure ni pire que celle des autres. »

"It is the job of the enlightened to rebuild, with the tools of creativity, what the hateful, with their weapons of oppression, have destroyed."
— graffiti de Manhattan, photographié par Sol LeWitt dans les années 70.


« Je crois que les idées, une fois exprimées, deviennent la propriété commune de tous. Elles sont invalides si elles ne sont pas utilisées, elles ne peuvent qu'être offertes et ne peuvent pas être volées. Les idées de l'Art deviennent le vocabulaire de l'Art et sont utilisées par d'autres artistes afin qu'ils forment leurs propres idées (même inconsciemment). »

« L'Art qui importe est l'Art qui explore les idées en profondeur. »
— Cette citation est extraite d'un article abordant l'imprégnation mutuelle des artistes et le refus de la « propriété » d'une idée par tel ou tel artiste. Je pense que le verbe « importer » peut ici se comprendre autant dans le sens d'importance que dans celui d'importation, ce en anglais comme en français.

Thursday, February 14, 2013

Lu : Nouveaucabulaire

Acheté dans une station-service pour raccourcir l'après-midi, le Nouveaucabulaire, de Jean-Jacques Thibaud ;-)
Il s'agit d'un ensemble de mots-valises (les anglais diraient "portmanteau") sur différents thèmes et présentés sous différentes formes. Plutôt humoristique. À coupler avec le jeu à plusieurs très répandu qui consiste à inventer chacun une définition pour un mot puis à voter pour la meilleure ^^

Bref, 5,90€ de perdus mais c'est amusant.

À propos, j'ai lu que Michel Serres annonce une différence de 30 000 mots entre le précédent dictionnaire de l'Académie et le prochain. Je suis très curieux de voir ces différences de près.

Monday, February 11, 2013

Just read: Wujing Zongyao, from Bookvika publishing

I've purchased and read a book by Bookvika publishing. This edition basically takes Wikipedia articles, selects them, edits them a little and prints them. That's perfectly legal to do so and I'm quite happy people do profit from it being legal.
However, I'd have been glad to know it beforehand, as they are quite expensive :-( I wanted to know more about a subject than just reading Wikipedia so I went to Amazon and purchased a book that contained... Wikipedia articles. My bad, as it was clearly stated on both pictures of the book itself.

Anyway, I was glad to read about it on paper and this story will have taught me something :-)
Most of what I learnt in this book is about the era of the Song dynasty. They ruled China from 960 to 1279 and offered — to my mind — the best example of a modern society in the medieval world. Under their reign the following events happened in China:
  • Invention and use of several kinds of compasses for navigation.
  • Invention of trebuchet catapults and black powder.
  • Invention of woodblock and movable typeface printing methods.
  • Fusion of Confucianism and Buddhism into Neo-Confucianism.
  • Establishment of post offices throughout the country.
  • Generalization of exam-based recruitment for state employees (up to 400,000 candidates per year in the 13th century!)
  • Generalization of free market within local markets (no intervention from government officials).
  • Rise of many powerful women (although they did not get an equal status from the law).
  • Highest level of cultural exchange with India.
  • Great progress in anatomy through multiple works on autopsy.
  • First use of medical elements from autopsies as pieces of evidence in trials.
  • First construction of canal pound locks.
All in all, China under the Song dynasty was almost at the beginning of their Renaissance more than two hundred years before Europe. And they were conquered by the Mongols. Adieu veau, vache, cochon, couvée.

Sunday, February 3, 2013

Lu : La confession d'un fou, de Leïla Sebbar

Il y a du chef d'œuvre dans ce petit roman de Leïla Sebbar. On pense en le lisant à d'autres chefs d'œuvres, d'autres auteurs à d'autres époques, mais rien qui corresponde vraiment.


La froideur du récit, sa façon de mêler des discours sentimentaux et des actions dénuées de sentiments, racontées sans fioriture, me font penser aux sagas islandaises. Si, si ! Souvenez-vous ce passage où Hrafnkell, prêtre de Freyr, annonce à son serviteur que, pour observer sa promesse au dieu Freyr, il doit le tuer et le tue. Pas de discussion, pas de complainte, pas de seconde chance, pas de répit pour faire ses dernières prières. C'est à faire et c'est fait. Il y a de ça, dans cette Confession d'un fou.

La façon du narrateur de passer du coq à l'âne sans transition, de mêler du descriptif et de l'actif sans transition, de mêler du dérisoire et du grandiose sans transition, font également penser aux propos d'un fou. Il n'a pas de repères ou, du moins, pas les mêmes que les autres. Alors il peut citer tout et n'importe quoi dans une cohérence qui lui est propre.

L'auteure donne deux clés de lecture par les références de son personnage. L'une est La mort de Sardanapale, l'autre est le biblique sacrifice avorté d’Ismaël par Abraham. Toutes deux interrogent le sacrifice. Si Dieu sacrifie, si le roi sacrifie, si le père sacrifie, est-ce donc par le sacrifice que l'on s'élève en dignité ? Le personnage, qui n'est ni père, ni roi, ni dieu, doit-il suivre cet exemple pour relever sa propre estime de lui ?

Une autre clé de lecture est peut-être le titre. Mais là encore, le titre interroge. Peut-être, à l'image d'Umberto Eco, considère-t-elle que le titre est là pour confondre le lecteur ? Si, au lieu de l'interprétation naïve qui consiste à penser que l'intérêt de l'ouvrage se situe dans la confession du personnage principal et narrateur, qualifié de "fou", on se laissait aller à penser que c'est l'auteur, qui est fou ? L'auteure pourrait bien être folle, si on unifie le triptyque auteur-narrateur-personnage.
Ou mieux encore, si le personnage, à travers son hybris, n'était qu'un prétexte à une critique de Dieu ? Voilà une hypothèse pertinente. Le personnage tue, aveuglément et sans pitié. Il se compare dans cette action à Dieu, qui sacrifie Ismael par la main d'Abraham. Tout au long du récit, il commet tour à tour chacun des péchés capitaux et, en même temps, méprise dans ses commentaires ceux qui les commettent. Par ailleurs, il s'imagine avoir découvert l'ineffable centième nom de Dieu. Il y a bien une critique de Dieu dans les actions de ce personnage.
Ou une recherche de Dieu ? Peut-être le personnage recherche-t-il un père de substitution, après l'exécution du sien par les soldats ? Peut-être recherche-t-il une image de la justice, de la stabilité, du réconfort...

L'hypothèse du "justicier", retenue sur le quatrième de couverture, ne m'a pas sauté aux yeux. C'est plutôt quelqu'un en quête de sens. Le sens de la justice ? Non. Plus simplement, le sens d'une logique cohérente à l'ensemble des évènements qu'il vit ou auxquels il participe activement.

Il va falloir que je le relise. Et j'encourage tous ceux qui ont quelque chose dans le ventre et qui n'ont pas peur de le voir remuer un peu à lire aussi La confession d'un fou.